Monday, November 4, 2013

Prière pour la Syrie... par Tony Homsi SJ



PRIÈRE POUR LA SYRIE
PAR TONY HOMSY, SJ, LE 6 SEPTEMBRE 2013

Jésus, mon ami, je ne te demande pas ces choses souvent, mais, qu’en serait-il si tu étais un jeune homme Syrien âgé d’une trentaine d’années?
Je te pose cette question naïve – mais ce n'est pas vraiment une question. Je la pose pour te raconter comment les deux années et demie passées ont mené la Syrie – mon pays – à un nouveau tournant d'où nous ne pouvons plus revenir en arrière.
Je sais que la Syrie n’est pas étrangère pour toi, car tu as passé presque toute ta vie si proche d'elle. Je sais que tu connais la couleur de notre terre, que tu as rencontré Paul près de notre capitale, Damas.
Je ne parle pas de ça parce que j’ai peur de l’avenir ou des conséquences de la guerre – de quoi que ce soit d’extérieur. Je te parle de ces choses parce que je veux être un chrétien au fond de moi-même, pas simplement membre d’un groupe qui cherche à survivre. Je veux vivre une vie chrétienne, comme quelqu’un qui a été baptisé pour être prêtre, prophète et roi – comme toi. Je te pose ces questions car je me sens perdu et je n’arrive pas à trouver des réponses qui m’apportent la paix. Généralement je veux être comme toi, mais aujourd’hui – juste aujourd’hui – je désire inverser les rôles.
Comment réagirais-tu si tu étais à ma place? Aujourd’hui je veux que tu sois comme moi, Seigneur, tout en restant mon Seigneur. Je le veux pour que tu puisses me guider. Pour que je sache comment vivre en bon chrétien.
En effet nous ne sommes pas si différents. Ce que tu as vécu il y a deux mille ans était très semblable à ce que je vis actuellement. Je suis né sous une dictature. Comme beaucoup de Syriens, moi aussi j’ai rêvé du jour de la libération. Te rappelles-tu encore le jour où tu es né sous Hérode? Et la terreur ? Fais que je vois cette situation de la même façon que tu as vu la tienne. Donne-moi d’y voir non seulement la tyrannie, mais aussi un appel – comme le tien, comme celui que tu as senti – qui m’encourage à changer ce monde.
Et ta famille, je suis sûr qu’elle a fait face à des problèmes quand la bureaucratie aveugle a demandé à Joseph et Marie d’aller à Bethléem pour s’inscrire là-bas. Je sais, moi aussi, ce que veut dire faire face à cette bureaucratie jour après jour. Tout ce que je veux pour mon pays c'est le progrès. C’est pourquoi, aujourd’hui, alors que partout dans le monde les gens prient pour la paix dans mon pays, je te demande de m'accorder – de nous accorder à nous tous – tes dons afin que je puisse être patient et comprendre que tout prend du temps. Et pourtant, Seigneur, est-ce que la paix peut arriver plus tôt ? Et le progrès aussi ?
Je sais que tu n’as pas besoin d’une connexion Internet pour voir les atrocités que le monde voit, le massacre d’enfants et de femmes. Sans doute ça doit être semblable à ce que tu as entendu – les histoires des massacres à Jérusalem, comme celui commis quand toi tu es né, petit enfant impuissant. Je me demande si tu t'es senti pris au piège quand tu gisais dans la mangeoire alors qu’avait lieu le massacre des innocents. Moi aussi je me sens pris dans un piège, comme un enfant impuissant qui ne peut pas encore parler. Aujourd’hui, je te demande de m'accorder le don de la liberté, la liberté de ne pas répondre à une telle violence avec encore plus de violence afin que je sois doux et n’agisse pas par violence.
Te rappelles-tu encore le jour où poussé par l’Esprit Saint, tu as quitté ta maison pour aller au désert ? Est-ce que Marie ne souhaitait pas que tu y restes ? Il me semble impossible qu’une bonne mère puisse souhaiter que son fils quitte – mais les mères syriennes, ces jours-ci, préfèrent ressentir l'absence de leurs époux et fils. Mieux vaut savoir qu’ils sont sains et saufs, loin de la maison, que dans des cercueils. Aujourd’hui, je te demande de consoler toute mère en deuil, et toute mère loin de ses enfants. Conforte toute veuve et toute bien-aimée. Je suis un de ces fils loin de la maison, Seigneur. Je suis loin de ma maison et je sens l’attente dans la peur et la panique anxieuse de ces jours à travers ma famille et mes amis.
Est-ce que le sifflement, la plainte stridente et l’explosion des missiles lancés d’un quartier à l’autre ressemblent au tonnerre que tu as connu ? Sais-tu que la peur que tes disciples ont senti quand ils dormaient dans la barque n’est qu’une ombre de la peur que mes amis et ma famille ressentent au bruit des bombes ? Aujourd’hui je te demande de nous donner le courage afin que nous ne nous sentions jamais plus dans l’insécurité – car nous te sentons près de nous.
Sais-tu, Jésus, que je n’ai jamais porté une arme? Je ne sais même pas comment ça s'utilise. C’est pourquoi c’est étrange qu’une partie de moi désire que quelqu’un, quelqu’un avec des armes puissantes, intervienne pour nous libérer de notre misère. C’était l’appel du Pape pour la paix qui a suscité un petit morceau de désir de paix dans mon coeur. Et puis je me suis rappelé que, toi aussi, tu avais refusé de porter des armes, même pas une pierre à lancer contre une supposée pécheresse. Aujourd’hui je te demande de m'accorder le don d’un coeur en paix afin que je puisse demander la paix et l'entente, plutôt que d’employer la force.
Avec quelle rapidité les armes chimiques ont tué autant d’enfants innocents. En un clin d’oeil. Mon diplôme en chimie ne m’aidera pas à te décrire quelle odeur a ce gaz toxique, ou ce que sent un être humain quand il est en train d’en mourir. Mais tu sais ce que signifie souffrir et étouffer en mourant. Aujourd’hui, je te demande le don de la compassion afin que nous puissions partager la souffrance et la passion de ces innocents.
Tant de mes amis ont quitté la Syrie, certains avant, d’autres après cette crise. Pourquoi es-tu revenu à Jérusalem ? N’avais-tu pas remarqué le succès que tu avais eu en Galilée et dans la Décapole ? N’avais-tu pas senti la joie de t’asseoir et de manger avec les amis et les étrangers ? Pourquoi es-tu parti pour aller à Jérusalem quand tu savais ce qui t’attendait ? Est-ce parce que toi aussi tu n’as appris à aimer Jérusalem qu’une fois que tu l’avais quittée ? Aujourd’hui je te demande de nous accorder la fidélité afin que nous aussi nous puissions souhaiter revenir chez nous, aimer la Syrie de nouveau.
Aujourd'hui, Jésus, je vais te révéler un secret que je n’ai jamais révélé à personne auparavant. D’habitude, tu sais, ce n’est pas bien pour moi de parler des fautes de ton Église – mais tu ne t’es jamais tu devant des attitudes indésirables. Et aujourd’hui le même cancer continue à se répandre. Donc, avec mes excuses je te dis que parfois je suis embarrassé par tous les discours sur la souffrance des chrétiens alors qu’on ignore la misère de nos frères et soeurs musulmans. Parfois ça me rend furieux Aujourd’hui je te demande de m'accorder la compassion pleine de miséricorde afin que je puisse aimer ton Église dans ses fautes – et me rappeler que moi aussi je fais partie de cette Église et que j'ai besoin de pardon.
J’ai encore une question, Jésus : comment leur as-tu pardonné alors qu’ils te crucifiaient ? C’est ce qui me hante le plus, la difficulté de pardonner à ceux qui me font du mal. Je n’y arrive pas; je n’ai pas d’explication logique pour comprendre comment tu as pu leur pardonner alors qu’ils te faisaient mal. Quand je cherche une explication, tout ce dont je me souviens c'est ton appel à te suivre dans lequel est compris le commandement: pardonnez à ceux qui vous font du mal. Donc aujourd’hui, Seigneur, je te demande le pardon. Pardonne-moi et pardonne à mes ennemis.
Je m'avance sur une frontière subtile entre l’espoir et le désespoir. Je pense que c’est le même sentiment qui habitait tes disciples après ta mort. Comme eux je veux que mon rêve se réalise, je veux la liberté, et que le sang de 100,000 personnes n’ait pas été versé pour rien. Je crois en ta Résurrection. Donc quand je, quand nous nous sommes tentés de baisser les bras, quand nous voulons rester ensevelis dans la tombe de l’esclavage, viens et relève-nous.
Viens ressusciter en nous afin que nous puissions traverser le Golgotha et passer à la gloire de la résurrection. Et confiant en ton Père, nous les Syriens, et tous ceux qui prient avec nous aujourd’hui, nous pouvons dire : Dieu, entre tes mains nous remettons notre pays. Ô Jésus, ressuscite la Syrie aujourd’hui !
Je te remercie d'avoir écouté.
Tony Homsy

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